Qu’est ce qu’une rétrocommission ? C’est la somme versée de manière occulte par un vendeur à un intermédiaire ayant influencé la décision de l’acheteur.
Pratique interdite, vieille comme le commerce, qui touche sans distinction tous les domaines de l’économie, elle existe dès lors qu’une personne peut influencer les décisions d’achat d’une autre.
Les rétrocommissions sont interdites à partir du moment où l’acheteur n’est pas au courant. Si par contre l’acheteur est clairement informé et qu’il est en position de changer sa décision d’achat, elle sont autorisées.
Dans le monde de la copropriété, les syndics sont dans cette position très convoitée de “prescripteurs”. Ils confient des marchés à des entreprises pour le compte des copropriétés qu’ils gèrent. Ces entreprises quelques fois les “remercient” en leur reversant un pourcentage du marché confié.
Les syndics peuvent également potentiellement favoriser les contrats avec certains prestataires car ce sont des filiales du même groupe.
La loi interdit et punit les rétrocommissions
Cette pratique est interdite car elle fausse la concurrence.
Interdite, sauf si elle est clairement mentionnée sur le contrat et par le syndic.
C’est l’opacité qui rend la pratique illégale.
Les copropriétaires doivent être au courant des véritables critères qui président au choix de ses entreprises. Ils doivent également payer le véritable prix et non pas le prix + la commission cachée.
La loi est claire à ce sujet et elle ne date pas d’hier : article 66 du décret du 20 juillet 72 pour application de la loi du 2 janvier 1970.
“Lorsqu’un syndicat de copropriétaires mandate un syndic, quelle que soit la mission, le syndic ne peut recevoir de rémunération QUE du syndicat des copropriétaires.”
En 2010 c’est le plein essor des diagnostics en tous genres. En 2011, le sénateur de l’Hérault, Robert Navarro, fait revenir la question sur le devant de la scène. Il poste une question écrite au gouvernement sur le sujet. La réponse du Ministre du logement parait au Journal Officiel du Sénat et est extrêmement claire.
Les rétrocommissions sont interdites, préjudiciables aux syndicats de copropriétaires et engagent la responsabilité civile professionnelle des syndics concernés.
Rétrocommissions mais pas seulement
Parce que les rétrocommissions sont un délit, et parce qu’il est toujours possible de trouver une faille dans les textes de loi ; les syndics trouvent régulièrement d’autres sources de rétribution que leurs simples honoraires.
Le portail des entreprises agréées
Un exemple parmi d’autres : enregistrer les entreprises dans un fichier qu’on appelle “portail téléphonique” des entreprises agréées par votre syndic.
Ce syndic met en place un fichier qui référence toutes les entreprises qu’il a “validé”. Il indique bien sûr pour chacune leurs références téléphoniques. Les copropriétaires peuvent donc facilement les contacter pour leur demander des devis. Les copropriétés sont en confiance, puisque leur syndic a pré-négocié les tarifs pour eux !
Évidemment pour l’entreprise, l’inscription à ce registre est payante. Mis le syndic se défend. Non ! ce ne sont pas des rétrocommissions. L’entreprise rémunère le référencement sur le portail téléphonique. Le versement de sommes au syndic est “indépendant” des travaux réalisés pour le compte de la copropriété.
Par contre, ce syndic incriminé n’avait pas pensé à l’éventuelle nécessité d’informer les copropriétaires du caractère payant de son portail téléphonique !
Car c’est bien cela qui rend la pratique illégale. L’opacité. Ce syndic a été condamné.
Les grands groupes et les entreprises tierces
Autre exemple : aux alentours des années 2019-2021, un grand groupe de syndic avait noué un partenariat avec un grand groupe de “solutions transactionnelles” pour le paiement des appels de fonds.
Les copropriétaires devaient régler les appels de fonds sur un compte bancaire ouvert au nom de la copropriété chez ce tiers qui se chargeait de les reverser sur le compte de la copropriété.
Les appels de fonds faisaient donc un petit détour (parfaitement inutile) par un compte tiers sans autre explication de la part du syndic que “faciliter le virement des fonds”.
Autant dire clairement que ce détour n’était pas perdu pour tout le monde. Il était parfaitement illégal. Il a fini par cesser sous la pression des associations de copropriétaires.
Les grands groupes et leurs filiales
Dernier exemple, totalement classique actuellement : l’assurance de la copropriété. Vous apprenez en faisant la vérification des compte que l’assurance de la copropriété a changé. Les tarifs étaient plus intéressants ? La couverture plus avantageuse ? En réalité votre syndic a simplement souscrit un contrat dans une filiale de son groupe.
Où commence le conflit d’intérêt ?
La plupart des grands groupes de syndic ont désormais des filiales dont les activités sont connexes à leur activité principale d’administration de biens (assurances – diagnostics – prêts immobiliers …) Quelques fois ce sont ces groupes eux mêmes qui deviennent filiales d’un groupe encore plus grand dont la spécialité est globalement la finance.
Ces entreprises interconnectées ont tout intérêt à se faire travailler les unes les autres. Les copropriétés gérées par la branche “syndic” sont comme un réservoir de contrats plus ou moins captifs. Lorsque les copropriétaires ne sont pas tenus au courant, la concurrence est faussée et il y a conflit d’intérêt.
Mais c’est encore plus grave lorsque les gestionnaires de copropriété sont contraints, par leur contrat de travail, de présenter de manière “obligatoire, systématique et exclusive” certaines entreprises partenaire.
Pourtant, le syndic doit non seulement informer les copropriétaires qu’il y a des liens entre son cabinet et les prestataires qu’il propose. Mais il doit le faire valider par une décision d’AG spécifique. Article 18-1-A de la loi de 1965 et article 39 du décret de 1967.
Surveillez les prestataires de votre copropriété
Une fois de plus, la vigilance des copropriétaires et plus spécifiquement du conseil syndical est incontournable.
- La première question à se poser lorsque votre syndic vous propose un contrat avec un prestataire quel qu’il soit est : “quels sont les liens entre cette entreprise et notre syndic ?”
- Second réflexe : occupez vous vous-même de la mise en concurrence de TOUS les contrats de votre copropriété.
Vous ne pourrez pas empêcher votre syndic de proposer des contrats. Mais tous les copropriétaires ont le droit de proposer des devis concurrents et le syndic ne peut s’y opposer.
Certes, le syndic n’est pas toujours obligé de faire valider en AG un changement de prestataire. Néanmoins s’il s’avère que votre syndic a changé de prestataire pour une entreprise avec lequel son cabinet est lié, et ce sans demander l’aval de l’AG, alors vous pouvez saisir le tribunal.
Bonjour,
Un syndic appartenant à un groupe bancaire, a t-il le droit de passer un contrat avec une société de Travaux pour proposer les services de la société à la copro. En échange d’un intéressement pour le groupe bancaire selon le volume d’affaire passé avec cette société de travaux ? Si oui, à quelles conditions ? Merci beaucoup
Bonjour
Merci pour votre question.
Cela n’est pas interdit. Par contre, les copropriétaires doivent clairement être mis au courant de ces accords.
Cordialement